DE BILLANCOURT A LA RUE BROCA
Fidèle à mes habitudes - un rituel : je quittais un emplois, prenais une ou deux semaines de congés pour profiter de ma petite. C'étais une autre époque... Nous allions simplement dans un bar de la République : notre "ANPE" hôtelière, et là, le temps de boire un verre ou deux ; "Oups" le patron nous informait de places offertes, disponibles aux choix de nos désirs! Nous n'avions plus qu'à nous présenter les jours suivants.
L'IMPREVU : CLAUDE
C'est en visitant ma chère tante Jo aux Moulineaux que je rencontrais " L' Amour" - Claude, gendarme mobile, guerrier en Algérie justement entre deux permissions. Ce fut le coup de foudre - Passion réciproque dont l'Odyssée se trouve dans "Mes textes"
Lien : UN IMPOSSIBLE AMOUR.
Bien que, rue des Ardennes où je logeais, j'avais déjà sous le coude un petit gars de quatre ans mon cadet qui m'adorait depuis mes premiers jours à la "Bonbonnière". Ce dernier effectuait son service militaire où?... En Algérie! Ainsi moi, l'affamée d'amour, je me partageais entre l' homme que mon cœur aimait... et un jeune homme qui lui m'aimait !
Tout deux connaissaient mes rapports avec chacun, suivant leurs "permissions". Eros me gâtait. J'étais devenue un "électron libre", batifolant le soir du côté de Pigalle où j'aimais écouter du jazz avec collègues ou clients de bars. Cela me faisait oublier mon étrange situation: l'absence de Claude, mon guerrier dont les lettres me faisaient espérer que... peut-être un jour il me garderait pour lui, rien que pour lui.
André lui, était un peu mon "Caprice des Dieux". C'était si facile de le séduire, lui faire des misères. Il supportait mes humeurs, il espérait, patiemment il attendait. J'adorais danser aux bords de Marne.... Les guinguettes de Nogent. André avait une voiture, mais ne savait pas danser, ou si peu. Alors j'acceptais quelques invitations qui se présentaient. Bien sûr il boudait! - Pour me faire pardonner, gentille, je lui demandais de faire un tour en barque... Alors tout content, il ramait, ramait!
Moi, imitation Bardot, chignon, jupe évasée en vichy noir et dentelle blanche. Corsage échancré, la taille serrée dans une ceinture en métal argentée , je me la faisais belle... la vie. Je sais, je sais... ce n'était pas très honnête. Si je retrouvais André ce jour, (57 plus tard) je lui demanderais pardon.
Images ci-dessus : André militaire en Algérie - Claude CRS également en Algérie ainsi que Nogent sur Marne et ses guinguettes.
ENFIN LE PROJET DEVIENT POSSIBLE
C'est en 1962 que je vis l'annonce : Une gérance - cave - bar - Garantie exigée 8.000fr - Gérance mensuelle 300 Fr. Rue Broca dans le 5ièm.
Au fils de divers emplois j'avais cumulé des économies car nous gagnions bien notre vie en brasseries parisiennes - mais pas assez pour réaliser mon rêve. C'est alors que j'allais voir ma grand mère qui avait un pavillon à Savigny sur Orge, pour lui parler de mon projet. Cette "mémé" aussi bonne que son fils, mon père, me savait courageuse, me faisait confiance. Elle me promit une aide à hauteur de 4.000 Fr. Illico je me rendis à Bercy rencontrer le propriétaire. Je visitais les lieux avec lui. Située entre les Gobelins, le Bd Port Royal, et le célèbre marché de la Mouffetard. Je fus emballée par ce quartier très vivant, plus que de la boutique.
ONCLE LOUIS CONTRARIE MON PROJET
Je reviens sur cette foutue journée...
- TOC, TOC ? - "Oui... Qui est là ? - "C'est moi, ta grand mère! Aie, aie, aie... Je crains le pire ! - Monique ouvres-moi. Tu dois me rendre le chèque! Oncle Louis n'est pas d'accord. Tu dois me rendre ce chèque. Mauvais présage. Il va me mettre le bâton dans les roues celui-là. Mémé insiste... Louis à raison, tu es bien trop jeune: Être est serveuse une chose, gérer une boutique en est une autre!
- Il me faut préciser que Louis, le frère de mon père, sa femme, son père sont tous employés "SNCF" - Un choix intergénérationnel: Fonctionnaires. Sécurité d'emplois jusqu'à la retraite. Si j'ouvrais, je cèderais: adieu le chèque...
- " Non mémé, je ne rends pas le chèque, l'idée me vient de lui mentir: - J'ai rendez-vous ce matin avec le propriétaire, à Bercy pour signer le contrat de ce bar (j'évite de dire bistrot) - Ceci dit toujours la porte fermée.
- " Comme prévue je te rembourserai rapidement sois en sûre. La boutique se tient rue Broca; un quartier commerçant ; deux entreprises rue Broca et Bd Port Royal, juste au-dessus: Une grande poste - caserne de pompiers - Caserne de militaires et un Hôpital. Bonnes recettes assurées. Quand je veux, je suis convaincante et têtue - Je n'ouvrirai pas la porte. NIET!
Grand-mère insiste... Je fais la sourde oreille. Alors elle s'en va... J'entrouvre la porte doucement... Je pleure de lui faire cette peine. Demain ce sera sûrement le tonton Louis qui rappliquera. Alors ni une ni deux: Je téléphone au propriétaire et direction Bercy...
Là plus personne ne pourra s'opposer à mon projet.
LA MOUFFETARD - LE BROCA'BAR
En 1963 j'ai 26 ans - Seule, avec une petite fille de 7 ans. après avoir rendu les lieux agréables et fonctionnels. Charger les étagères de "bonnes bouteilles. J'entreprend un peu de restauration. En face du bistrot une entre prise de marbrier. Je commence à "restaurer" une dizaine de clients... Livre le vin dans les immeubles du coin - Service au bar. La concierge de l'immeuble, Simone une brave femme m'assiste en cuisine, et s'occupe de ma fille. Quelques mois difficiles à gérer, beaucoup d'espoir.
C’est alors que mon proprio vint me visiter inopportunément à midi... le "bistrot" en pleine activité, pensant que je m’enrichissais à ces dépends, il ordonna "fermeture temporaire " pour révision du loyer et gérance. J'acceptais le nouveau contrat, malgré la gérance doublée et rouvrais le Brocas'bar…
Debout à 5h30, direction Halles Baltard - Achats de viande et légumes en gros. Petit café calva à 6h avec les "bouchers" - Encore un p'tit calva la p'tite dame? Gentils les bouchers! Je m’endormais sur le tapis roulant du Chatelet !
Ouverture du bar: 7h : Entre deux cafés aux ouvriers, passage aux fourneaux. 9h casses croûte aux ouvriers - 11h mise en place du snack! Tout est "prêt à servir" à l'assiette. Le plat du jour, ou, Steak. Simone, moi, partageons le service snack. Mais seule au comptoir, je sers apéro, café, et vente du vin... Pas de temps morts!!
A 15h je ferme deux petites heures ! - A 17h. réouverture, parlotte aux clients, partie de 421 (jeu de dés) - Puis arrive l'heure de l'apéro jusqu'à 20h - "On ferme" !
Ah non... y a Pierrot l’accordéoniste, René, Jojo, les postiers du Port-Royal, les pious-pious de la caserne Saint Michel. Tout ce petit mondes loin de leurs familles se retrouvent le soir au Brocas'bar!
23h - Allez les amis... "JE FERRRME" Ouf, Ils partent enfin!
- Un bisous la baronne - OK mais je n’suis pas votre mère. Vous ne voulez pas que j’aille vous border aussi !